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HISTORIQUE COMMUNE

HISTOIRE, Géographie et Statistique du département des Basses-Alpes (Publiée en 1844) J J M FERAUD

 

Sausses, ou mieux Saulces, en latin Salsoe, est bâti en amphithéâtre, au pied d’une montagne, sur la rive droite du Var, à 12 km Nord d’Entrevaux, à 39 Nord-est de Castellane, et à 75 Sud-est de Digne.

Son nom latin Salsoe, est dû aux eaux salées d’une source qui nait au Sud-est du territoire dans le lit du Var, et dont les habitants avaient l’usage, mais qu’ils ont perdu depuis longtemps par les vexations des employés des fermes.

Le climat de Sausses est infiniment plus doux que celui des lieux voisins, à cause des montagnes  qui avoisinent ce village. Celles-ci sont couvertes de gazon, et l’on y nourrit en été, beaucoup de bêtes à laine. Le sol est assez bon : la plaine est couverte de prairies et de jardins.  La principale récolte est celle du froment, viennent ensuite les fruits de toutes espèces, les légumes, le vin et l’huile d’olive.

Deux ruisseaux arrosent le territoire, mais après les orages, ce sont des torrents impétueux qui causent beaucoup de dégâts. Le Var coule à 1 km de distance du village. On trouve à Sausses de nombreuses pétrifications. L’ancien château existe encore.

Cette commune a une population de 344 âmes. Son église paroissiale, dédiée à St Pierre, a pour patron St Pons. Elle est construite depuis une vingtaine d’année, l’ancienne ayant été abandonnée à cause de son état de dégradation. On remarque dans cette église trois tableaux représentant Joseph reconnu par ses frères, la naissance de Jésus Christ, et notre seigneur chez Simon.

Le village de Sausses à donné le jour à Mgr Montblanc (Augustin Louis de), docteur  en l’université d’Oxford, chanoine du premier ordre de St Denis, archevêque de Tours et pair de France. Ce prélat en mourant disposa d’une partie de sa fortune en faveur des établissements religieux. Il a laissé des sommes considérables pour établir des écoles chrétiennes à Annot et à Entrevaux. Mgr de Montblanc était né le 28 mai 1767 il mourut à Tours le 28 décembre 1841.

Sausses

Faisait partie du diocèse de Glandèves et de la viguerie d’Annot, aujourd’hui dans l’ex canton d’Entrevaux. La commune, de 1468 hectares, est située sur la rive droite du Var qui constitue la limite départementale avec les Alpes-Maritimes. Le castrum de Salsis apparaît au début du XIIIe siècle et est constitué de deux communautés, Sausses et la Bastide-de-Sausses. Elles sont citées par les Pouillés de 1351 et 1376 : ecclesia Sancti Petri de Salcis, ecclesia Mosteyreti Salsarum.  Les deux églises dépendaient du monastère de Saint-Dalmas de Pedone. La Bastide est un quartier contigu à celui des Moustiers constitué d’un petit plateau fertile dominant le cours du Var. C’est là que les habitants du village perché avaient établis leurs jardins pour les productions maraichères. L’église des Moustiers était sous la sous la titulature de Notre-Dame et était située sur la commune du Castellet en limite communale sur la rive droite du ravin de la Gourre.

L’église paroissiale de Sausses est à l’origine dédiée à saint Pierre et se trouvait sur la rive droite du Riou près du cimetière actuel. Les habitants racontent que le premier village était situé à cet endroit mais qu’il fut détruit et enseveli par un éboulement de terrain. Le cadastre de 1818 nomme d’ailleurs ce quartier la Rouïne. En section B 2, parcelle 424, il signale un édifice avec une abside en hémicycle orientée vers l’est. Mais l’église va tomber en ruine au cours des années suivantes. Elle ne sert plus au culte depuis le début du XIXe siècle, remplacée par la chapelle du château qui a été restaurée et agrandie. Elle va cependant reprendre vie à la fin du XIXe siècle.

Chapelle Notre-Dame

Elle est sise près du cimetière et a été bâtie à l’emplacement et sur les ruines de la première église Saint-Pierre. Le docteur Marcellin, qui a épousé l’héritière de la famille Montblanc, construit une chapelle dédiée à Notre-Dame. C’est ce que révèlent les visites pastorales de 1892 et 1893 : chapelle rurale du cimetière dont M. Marcellin qui l’a fait bâtir garde la clef. Ni rurale puisque un particulier en dispose, ni domestique, bâtie qu’elle est sur un terrain communal. Le 28 octobre 1891, les mêmes visites annoncent qu’il n’existe pas de chapelle rurale sur la commune. On peut donc supposer que la chapelle fut élevée en 1892. C’est un petit bâtiment d’une nef unique voûtée d’arêtes. La porte dessine un arc plein cintre et est surmontée d’un oculus lui-même coiffé sur le faîte par une croix en fer forgé.

Chapelle du château, nouvelle église paroissiale

L’abbé Féraud reconnaît que l’église paroissiale est dédiée à saint Pierre et a pour patron saint Pons, dont on célèbre la fête avec bravade le 11 mai. Elle est construite depuis quelques années seulement, l’ancienne ayant été abandonnée à cause de son état de dégradation. C’est en effet au début du XIXe siècle, en 1807 selon l’inventaire de 1906, que l’édifice, simple chapelle attenante au château, est transformé en église. Elle reprend la titulature de la première église et est beaucoup plus commode pour les habitants par sa proximité.

Synthèse

On ne sait quand est survenu la destruction et l’abandon du premier village, église et cimetière ont été les témoins survivants du premier habitat. Aujourd’hui seul le cimetière continue sa fonction. Les deux premières paroisses, Notre-Dame du Mousteiret et Saint-Pierre de Sausses citées au début du XIIIe siècle ont disparu, mais on ne connaît pas leur date de fondation.

Après la conquête romaine (achevée en 14 av. J.-C.), Auguste organise les Alpes en provinces. Le territoire de l’actuelle commune de Sausses dépend de la province des Alpes-Maritimes et est rattaché à la civitas de Glanate (Glandèves). À la fin de l’Antiquité, le diocèse de Glandèves reprend les limites de cette civitas13.

La localité apparaît pour la première fois dans les chartes vers 12002. Le nom vient d’une source salée située dans le lit du Var.

Au Moyen Âge, un second village était occupé sur le territoire de la commune, à La Bastide, et formait une communauté indépendante. Fortement dépeuplée par la crise du xive siècle (Peste noire et guerre de Cent Ans), elle est annexée par celle de Sausses au xve siècle14. Les deux villages étaient des fiefs des Pontevès. Jusqu’en 1245, la communauté de Sausses relevait de la baillie d’Outre-Siagne, circonscription administrative du comté de Provence. Celle-ci est ensuite démembrée en plusieurs circonscriptions plus petites, et après une période de stabilisation, on sait qu’en 1264 Sausses faisait partie de la viguerie de Puget-Théniers15. Enfin, les deux paroisses de Sausses et de la Bastide relevaient de l’abbaye Saint-Dalmas de Pedona (aujourd’hui à Borgo San Dalmazzo)16,17. La mort de la reine Jeanne Ire ouvre une crise de succession à la tête du comté de Provence, les villes de l’Union d'Aix (1382-1387) soutenant Charles de Duras contre Louis Ier d'Anjou. Les trois co-seigneurs de Sausses, Guigon de Roumoules, Eustache Isnard et Bertrand Giraud, soutiennent tous trois le duc d’Anjou dès le printemps 1382, ce soutien étant conditionné à la participation du duc à l’expédition de secours à la reine18. Le village de Sausses est néanmoins conquis par le parti angevin au début de la guerre (avant 1385)19.

Après la guerre de Cent Ans et une fois la sécurité revenue, de 1442 à 1471, 20 familles quittent le village pour repeupler les communautés de Moustiers-Sainte-Marie, Peyrolles et La Verdière20.

L’ancien village de Sausses était auparavant situé à proximité du cimetière, mais un glissement de terrain ou un éboulement l’a enseveli17.

À la fin de l’Ancien Régime, Sausses relevait de la viguerie d’Annot17.

Durant la Révolution, l’archidiacre Raynard de l’ancien évêché de Senez est arrêté en juin 1792 par la foule alors qu’il tentait d’émigrer vers Nice : il est lynché et jeté au Var21. La commune compte une société patriotique, créée après la fin de 179222.

La Révolution et l’Empire apportent nombre d’améliorations, dont une imposition foncière égale pour tous, et proportionnelle à la valeur des biens de chacun. Afin de la mettre en place sur des bases précises, la levée d’un cadastre est décidée. La loi de finances du 15 septembre 1807 précise ses modalités. Dès 1818, le cadastre dit napoléonien de Sausses est achevé23.

Comme de nombreuses communes du département, Sausses se soucie de l’instruction primaire de ses garçons bien avant les lois Jules Ferry : en 1863, une école fonctionne déjà au village24. Aucune instruction n’est donnée aux filles : la loi Falloux (1851) n’impose l’ouverture d’une école de filles qu’aux communes de plus de 800 habitants, et la première loi Duruy (1867), qui abaisse ce seuil à 500 habitants, ne concernent pas Sausses25,26. Si les subventions accordées par la deuxième loi Duruy (1877) permettent de construire une école neuve27, ce n’est qu’avec les lois Ferry que les petites filles de Sausses sont scolarisées.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Yves Durandy sauve des Juifs de la déportation, et a été pour cette raison distingué comme Juste parmi les nations.

Jusqu’au milieu du xxe siècle, un vignoble existait à Sausses, dont la production était consommée sur place et s’exportait. Il n’en reste plus rien aujourd’hui28. De la même façon, l’autre plante symbolique des régions méditerranéennes, l’olivier, était cultivée dans la commune au xixe siècle. Le terroir de la commune se situe en effet à la limite altitudinale de l’arbre, qui ne peut que difficilement être exploité au-delà des 650 mètres. Il n’est plus exploité actuellement